Et si on brisait le silence sur le deuil périnatal ?

Écouter l'épisode sur d'autres plateformes

Prête à reprendre

Je n’aurai jamais pensé parler de ma vie personnelle dans le podcast, mais voilà il y a quelques mois ma vie personnelle a éclaté en mille morceaux et cela a directement impacter mon travail, le podcast … en fait tout. Tout s’est effondré autour de moi. Même si je ne le souhaite à personne, cela pourrait peut-être un jour arriver à l’un d’entre vous. C’est pour cette raison qu’il m’a semblé important de vous en parler aujourd’hui, c’est pour cette raison que je vais vous partager un bout de ma vie personnelle… pour la dernière fois je l'espère.

Mon histoire

Commençons par le début. Le 7 août 2021, j’apprends que je suis enceinte. J’ai encore un grand sourire et des frissons juste en y repensant. Ce jour-là, tout est beau, je prépare avec celle qui va devenir la marraine de mon enfant, un beau cadeau pour annoncer cette nouvelle comme il se doit à mon compagnon, qui l’accueille d’ailleurs encore mieux que tout ce que j’avais imaginé.
On se dit de suite qu’on va attendre 3 mois. Vous savez ce fameux 3 mois que tout le monde vous rabâche, sur le fait de ne pas annoncer votre grossesse car il pourrait arriver quelque chose … Aujourd’hui, j’ai un avis complètement différent sur ces 3 mois, mais on va y revenir.

Une journée… juste une journée avant la fin du fameux 3 mois où on pouvait enfin l’annoncer à notre famille et à nos amis, notre infirmière nous dit ces mots : "votre bébé est incompatible avec la vie. Il a une maladie très rare et incurable. Quatre-vingt-dix pour cent des bébés atteints de ce trouble meurent avant l’âge d' un an et environ 50 % des enfants touchés par cette maladie décèdent au cours de la première semaine de vie."

Cette annonce a été le premier coup dur, un déchirement total, mais je ne savais pas encore à ce moment-là que ça allait être pire. S'ensuit de nombreux rendez-vous médicaux pour confirmer le diagnostic. Il y a eu de l’espoir, l’espoir que c’était une erreur, un faux positif. Après tout, c’était possible. Avec mon compagnon on est tous les deux en très bonne santé, on est jeune, pas de quoi s’inquiéter. Mais cette lueur d’espoir a très vite disparu et je sombrais sans m’en rendre compte avec cette nouvelle.

Lève toi

Ma fille est née le 8 décembre 2021, elle s’appelle Lua. C’est la plus belle et la plus courageuse des petites filles. Le courage c’est d’ailleurs ce qu’elle m’a transmis. Car même si tous ses organes vitaux étaient atteints et qu’elle est née très prématurément, elle est restée en vie pendant 45 minutes dans les bras de son père et moi avant de s’envoler vers les étoiles. 45 minutes c’est trop peu, mais c’est plus que tout ce qu’on aurait jamais pu espérer.

Perdre un enfant, c'est porter un deuil insupportable. C’est une situation vécue par beaucoup, mais dont peu parlent.
Il faut savoir que chaque année, un grand nombre de parents-travailleurs font face à un décès périnatal et au deuil qui s’ensuit. Et pourtant, rares sont les personnes qui savent comment réagir et offrir du soutien dans ces moments là.
J’en ai donc fait l’un de mes combats, de parler de cette perte, de cette douleur, de briser le silence sur la perte d’un enfant et notamment dans nos entreprises. Afin que les manager, RH et même les collègues puissent aider.

Et l’entreprise dans tout ça ?

Mon histoire n’a rien d’originale car elle peut arriver à n'importe qui, et elle arrive a des gens tous les jours. Il fait savoir qu’environ une grossesse sur cinq se terminerait par un décès périnatal (que ce soit une fausse couche, une interruption médicale de grossesse, une mortinaissance ou un décès néonatal), ce qui correspond au Canada à environ 100 000 grossesses par année. C’est énorme comme chiffre et pourtant ça reste tabou… Ce qui fait que de nombreux employés ne connaissent pas leurs droits, les gestionnaires ne sont pas sûrs de leurs responsabilités et les employeurs ont rarement des politiques en place pour les aider.

Alors qu’est-ce qu’on fait avec tout ça ?

Déjà vous pouvez commencer par créer un environnement favorable où les employés peuvent parler à leurs supérieurs hiérarchiques. Je ne sais pas si vous vous rappelez, mais en début d’épisode je vous ai parlé de ces fameux 3 mois où on vous conseille de garder votre grossesse presque secrète. De notre côté, on avait plutôt pris la décision d’annoncer cette grossesse à nos employeurs juste quelques jours après l’avoir appris. Déjà parce qu’on a de la chance d’être dans un environnement de travail favorable et ensuite parce que ça nous laissé 9 mois pour préparer la transition avec eux sans stress. Au final, le fait de l’avoir annoncé aussitôt nous a permis d’être soutenu par nos managers. Et lorsque vous traversez une épreuve aussi difficile que celle par laquelle on est passé, le soutien de votre manager peut être inestimable. Myriam, ma manager et associée du Groupe Conseil Perrier a fait toute une différence ! Vous allez d’ailleurs l’entendre dans les prochains épisodes du podcast car il me semble important qu’elle partage avec vous, les différents leviers managériaux qu’elle a utilisés pour m’épauler dans tout ce que je vivais sans pour autant avoir un rôle de psy.

Je fais d’ailleurs une petite parenthèse pour insister sur cette partie là, car dans le cadre de mon travail j’entends souvent des gestionnaires me dire" mais Camille, c’est super difficile de trouver les limites entre être à l’écoute de mes employés, et le fait de m'immiscer dans leur vie personnelle. Je ne peux pas être un psy !".
Et je suis d’accord, ça peut être difficile à gérer. Mais il y a une différence entre "je suis psychologue"et "je suis là pour t’écouter, et trouver des solutions avec toi" ! Lorsque des événements personnels impactent vos employés, votre rôle de manager c’est de voir si on peut faire des aménagements de poste, d’horaire, ou une régulation de la charge de travail, etc. C’est ça qui fait toute la différence ! Le support peut aussi venir des collègues immédiats qui eux aussi sont impliqués.
Le fait de reconnaître la détresse de l’employé qui vit une situation difficile, de lui apporter du soutien et de mettre en place de la flexibilité dans l’environnement de travail. Je vous assure que ces leviers managériaux sont essentiels pour un meilleur rétablissement de la personne affectée.

Je vous avoue que nous on a eu de la chance. Eh oui, je parle de chance car même si ça devait être quelque chose de normal, ça ne se passe malheureusement pas comme ça dans toutes les entreprises.
Mais je reste persuadée que les choses peuvent changer. Et pour vous aider dans ce changement, j’ai créé un guide à destination des managers pour épauler les parents qui sont en deuil. Prenez-le pour vous en inspirer et surtout n’hésitez pas à l’améliorer ! Et n’oubliez pas, qu’on peut déstigmatiser la perte d’un enfant par la sensibilisation, l'éducation et la communication franche.

Cette communication franche, je souhaite aussi l’apporter dans tous les épisodes du podcast. Je vous avez dit en début d’épisode que le podcast à évolué, qu’on ne sera plus sur le même format. Cette fois, ce que je vous propose c’est qu’on aille plus en profondeur sur les sujets. Donc tout au long de l’année qui arrive, nous regrouperons les épisodes par thème. Ces épisodes seront dans des formats courts, d’autres plus longs, avec des invités aussi. Le tout pour pouvoir prendre le temps de traiter le sujet sous plusieurs de ses aspects,afin de vous apporter de la nuance dans les propos et d’avoir le temps de vous partager des outils concrets.

Si vous avez écouté le début de l’épisode, vous vous doutez probablement du premier thème : "quand le travail passe dans un second temps". Pour ce premier thème, nous aurons 5 épisodes avec des invités ayant un parcours personnel et professionnel hors du commun ! Et je vous assure que si vous êtes RH, manager ou décideur vous devez écouter les prochains épisodes car vous aurez les ressources nécessaires en main pour agir face à des situations qui peuvent être émotionnellement compliquées à gérer.

Remerciements

Merci d’avoir écouté l’épisode jusqu’au bout et d’avoir fait ce voyage avec moi afin que ce sujet ne reste plus dans le silence et ne soit pas stigmatisé.

Je le fais rarement dans ce podcast, mais vu que c’est un sujet qui me touche particulièrement, je souhaitais finir cet épisode par des remerciements et en offrant ma reconnaissance à toutes les personnes qui nous ont accompagnés dans cette épreuve. Alors merci à tout le personnel soignant et en particulier à Conor, à Mélanie, aux infirmières qui étaient présentes lors de la naissance de Lua, Mégane et Anouk, ainsi qu’à ma sage-femme Catherine qui a été là du début à la fin et qui est même encore là.
Bien évidemment merci aussi à Myriam et Roxanne du groupe Perrier pour leur soutien sans faille ainsi qu’à Kevin et Clémentine de l’équipe de Linkedin learning.
Sans oublier mes amis et ma famille, pardonnez-moi, je ne citerai pas tous vos noms car ce podcast ne finirait plus, mais je sais que vous vous reconnaîtrez.
Et bien sûr merci à l’homme de ma vie, au père de ma fille d’être tout simplement ce que tu es: l’un des piliers forts de notre famille, qui fait qu’ensemble on traverse toutes les épreuves même celle qui nous semble insurmontables.

Enfin, si vous êtes en train de vivre ce par quoi on est passé, sachez que c’est normal d’avoir aussi mal, ça ne partira peut-être pas, mais il y a des gens qui sont là pour vous écouter et ça peut clairement aider.

Merci d’avoir écouté cet épisode jusqu’au bout ! On se retrouve jeudi, dans 2 semaines !